Sécurité d’approvisionnement en électricité: le rôle des réseaux de distribution
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Par Elodie Maître-Arnaud
Menace de pénurie, prévention du blackout, évolution des modes de production et de consommation: autant de défis à relever pour garantir l’équilibre des réseaux de distribution et sécuriser l’acheminement de l’électricité. Explications avec le CEO de FMV SA et président de Valgrid SA.
Garantir la sécurité d’approvisionnement, c’est s’assurer qu’il y ait de l’électricité disponible pour satisfaire la demande, à tout moment, sans mettre en péril la stabilité du réseau électrique», résume Stéphane Maret, CEO de FMV SA et président de Valgrid SA. La sécurité de l’acheminement incombe quant à elle aux opérateurs des «routes de l’électricité» qui garantissent l’équilibre du réseau. En Suisse, ces réseaux de distribution sont exploités selon le niveau de tension, afin d’acheminer l’électricité jusqu’aux consommateurs (voir infographie). Le réseau de distribution haute tension (65 kV) valaisan bénéficie depuis peu d’une gestion unifiée au sein de Valgrid (lire l’encadré). Ce pilotage unique doit encore renforcer la sécurité. Au coeur du dispositif, le centre de conduite du réseau de Chalais. Véritable tour de contrôle et centre névralgique de l’approvisionnement en Valais, il opère en permanence une surveillance et une régulation très fine des flux d’électricité.
Un risque de pénurie cet hiver, mais pas de blackout
Car un déséquilibre entre l’offre et la demande de courant a des répercussions immédiates sur le réseau de distribution. Lorsque l’on soutire plus d’électricité que l’on en injecte, la fréquence baisse. Si elle baisse trop, l’équilibre est rompu et le réseau s’effondre en cascade. C’est le blackout tant redouté — et inédit en Suisse. Concrètement, cela signifie que l’électricité ne peut plus être acheminée vers les ménages et les entreprises. Pour éviter ce scénario, et à défaut de pouvoir augmenter l’offre, il faut donc faire baisser la demande.
Cet hiver, en raison du contexte international, les importations de courant vont chuter. Or la Suisse est dépendante de ces importations pour une partie de sa consommation hivernale. Le risque de pénurie d’électricité est donc bien réel, puisque la production et les importations de courant risquent de ne pas suffire pour couvrir les besoins. Attention, on parle là de pénurie, pas de blackout! Celui-ci sera en effet évité grâce à des mesures graduelles qui, le cas échéant, seront mises en place par les opérateurs de réseaux, sur ordre du Conseil fédéral, afin de faire baisser la demande (mesures d’économies d’énergie, interdiction d’utilisation d’appareils trop gourmands, contingentement et délestages), tout en minimisant autant que possible l’impact pour les consommateurs et l’économie. A noter que le risque de pénurie concerne toute la Suisse, y compris le Valais malgré l’excédent de production locale par rapport à la consommation. Et ce, en raison de l’interconnexion des réseaux en Suisse et en Europe.
Des réseaux toujours plus intelligents
Les opérateurs de réseaux doivent également relever d’autres défis, en lien avec la transition énergétique. Car celle-ci entraine la multiplication des sources d’énergie renouvelable, et leur intégration complexifie la gestion des réseaux et rend nécessaire la mise en place de smartgrids (ou réseaux intelligents). En effet, contrairement au nucléaire ou au fossile, la production d’électricité photovoltaïque ou éolienne est irrégulière. Il faut donc absorber les pics de production ou compenser les déficits par des actions en temps réel, afin de maintenir en permanence l’équilibre entre l’électricité injectée sur les réseaux par les aménagements de production et celle soutirée par les consommateurs. En ce sens, la mise en service récente de la centrale de pompage – turbinage de Nant de Drance contribuera à la stabilité des réseaux nationaux et internationaux. Les opérateurs de réseaux se préparent aussi à la révolution de la mobilité électrique. Des dizaines de milliers de batteries seront bientôt connectées aux réseaux. «Il faudra équilibrer ces multiples interventions décentralisées, notamment en pilotant à distance les charges et décharges des voitures, comme autant de petites unités de stockage, en harmonie avec la production solaire», ajoute Stéphane Maret. Une petite musique d’avenir, que Valgrid entend bien orchestrer sans fausse note.
L’unification du réseau électrique valaisan va renforcer la sécurité
Le réseau électrique haute tension (65 kV) du Valais vient d’être unifié. Fruit de l’entente de 14 partenaires*, la société Valgrid SA est désormais propriétaire et gestionnaire unique de l’ensemble des 450 km de ces «routes cantonales de l’électricité». 190 millions de francs vont notamment être investis sur dix ans dans le développement et l’entretien des infrastructures, l’une des clés de la sécurité et de la stabilité des réseaux. «En fédérant tous les partenaires, on améliore le fonctionnement de l’ensemble de la distribution suprarégionale, tout en maîtrisant les coûts par effet d’échelle. Cette unification renforce aussi l’interface avec Swissgrid et les réseaux moyenne et basse tension des gestionnaires de réseau de distribution actionnaires de Valgrid, ce qui nous permet d’être plus réactifs, en particulier en cas de crise», résume Stéphane Maret, président de Valgrid SA.
* FMV, OIKEN, EnAlpin, Energiedienste Visp — Westlich Raron, Elektrizitätswerk Brig — Naters, Elektrizitätswerk Zermatt, Regionale Energielieferung Leuk, Elektrizitätswerk Obergoms, EW Goms, SEIC/Service électrique intercommunal, Sinergy Infrastructures, Commune de Fully, Sogesa/Société de Gestion des Energies et Romande Energie.
A RETENIR
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La centrale de pompage-turbinage de Nant-de-Drance qui entrera en service le 1er juillet prochain aura deux fois la puissance de la centrale nucléaire de Gösgen.